© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

In Memoriam Danielle Trempont-Bury

Baptiste Frankinet

Texte

En cette fin d’octobre 2020, nous avons appris le décès de Danielle Trempont, née Bury. Avec son départ, la région carolorégienne perd une écrivaine dialectale de talent, reconnue et appréciée.

Née à Mont-sur-Marchienne en 1943, elle grandit au sein de deux familles ouvrières dont les hommes avaient travaillé dans le verre, dans le fer ou dans le charbon. Bien que, comme la plupart des gens de sa génération, elle ait été élevée en français, elle a été bercée de wallon.
Après avoir vécu au Congo durant une partie de sa jeunesse, puis s’être établie à Montigny-le-Tilleul avec son mari Jacques Trempont, elle prend bientôt la plume pour exprimer ses sentiments, tantôt militants, tantôt révoltés, en français dans un premier temps.

Elle se révèle en tant qu’écrivaine au cours des années 1980: dans sa commune d’abord, dans sa région ensuite, puis bientôt dans toute la Wallonie. Membre de l’Association Royale des écrivains et artiste de Wallonie (AREAW) dès 1981, elle s’illustre déjà en recevant plusieurs prix en Belgique et à l’étranger pour ses écrits.

Très active, elle fonde le groupe culturel 61*10 Arts et lettres, qu’elle préside pendant plusieurs années. Au sein de ce groupe, elle participe à l’organisation de conférences, d’expositions, de rencontres littéraires, d’ateliers d’écriture. Elle soutient le développement culturel de sa commune – n’est-elle pas également l’épouse de l’échevin de la culture? – au sein des bibliothèques, dans diverses asbl, dont notamment le théâtre à l’école ou encore le wallon à l’école.

En 1985, en devenant membre de l’association littéraire wallonne de Charleroi, elle fréquente et côtoie des auteurs wallons de renom (Willy BAL, Émile LEMPEREUR, Jean-Luc FAUCONNIER) qui achèveront de la convaincre d’écrire en wallon. Et c’est pour elle une révélation, car elle redécouvre, à travers l’écriture, le parler qui était enfui en elle.

Elle est pleinement séduite par les qualités intrinsèques de la langue et s’y engouffre sans limites conventionnelles, tant dans le choix de ses sujets que dans la richesse lexicale et la complexité de la structure de ses phrases. Si elle écrit en wallon, c’est pour pouvoir parler «à [sa] petite enfance même si [ses] textes ne ressassent pas des souvenirs vieillots, même s’ils évoquent des ambiances, des événements contemporains. [Elle] dialogue avec [sa] parentèle». XX

Elle devient une écrivaine pleinement wallonne et fait de cette langue le moyen d’expression de son intimité: «Pour moi, le wallon, c’est le jardin secret où je me retrouve telle que je suis avec mes faiblesses avouées, mes colères, mes désespoirs, mes forces humaines à re-nourrir. C’est dans ce jardin que mon écoute se fait plus attentive encore, c’est dans ce jardin que ma conscience s’aiguise, c’est dans ce jardin que je me ressource, courtil privilégié dans lequel je me mets à l’abri des zones de turbulences pour mieux les dénoncer après». XX 

Elle y embarque avec elle les thèmes qui lui sont chers: la condition féminine, par exemple, qu’elle reprend dans Al choûte, en 1986, la maternité dans D’ome èt d’ soya, en 1994, puis l’affrontement fataliste et courageux face à toutes les difficultés de la vie.

Durant les vingt dernières années de sa vie, c’est vers les enfants et l’apprentissage de la langue wallonne qu’elle s’est tournée, écrivant des poèmes pour ceux-ci, des cahiers pédagogiques, animant des ateliers, et ne ménageant pas sa peine au sein du CHADWE (Centre Hainuyer d’animation et de documentation du Wallon à l’école).

Parmi ses œuvres éditées, on retiendra en wallon: Al choute (1986), D’ombe èt d’ soya (1994), Ène mîye d’ mi (2001), pour lequel elle avait reçu le Prix des langues régionales de la Communauté Française en 2000 ; en français: Féminitude (1981), Via obscura (1984) et un ouvrage en deux langues: L’esprit de clocher (1989).

On lui doit également, avec la collaboration des membres du CHADWE, les cahiers pédagogiques A scole (2000), ô mwès d’sètimbe (2000) et le jeu Ô Djârdin (2002).

Enfin, nombre de ses textes ont paru dans MicRomania et il reste plusieurs inédits à découvrir, comme Èrâdjes, en 2003, C’èst la vîye!, en 2007, Dji voûreû qu’ène saqui, en 2009. Gageons qu’une édition posthume aura le mérite d’offrir, une fois de plus, aux lecteurs ces textes d’une grande qualité littéraire.

 

© Baptiste FRANKINET, revue Wallonnes 4-2020

Notes
1. Extrait de: D. Trempont-Bury, Dans un courtil à ma mesure, le wallon est la langue qui me dit, chaque jour, qui je suis, inédit, [s.d.].
Ce texte est issu du dossier D. Trempont-Bury conservé à la Bibliothèque des Dialectes de Wallonie
2. Ibid. Ce texte est également disponible sur le site Carnets vénitiens, Ecrire en wallon





 

Notes

  1. Extrait de: D. Trempont-Bury, Dans un courtil à ma mesure, le wallon est la langue qui me dit, chaque jour, qui je suis, inédit, [s.d.]. Ce texte est issu du dossier D. Trempont-Bury conservé à la Bibliothèque des Dialectes de Wallonie
  2. Ibid. Ce texte est également disponible sur le site Carnets vénitiens, Ecrire en wallon (voir lien Web en bas de page)

Metadata

Auteurs
Baptiste Frankinet
Sujet
Hommage à Danielle Trempont, auteure et animatrice culturelle wallonne
Genre
Eloge
Langue
Français
Relation
Revue Wallonnes n° 4-2020
Droits
© Baptiste Frankinet, revue Wallonnes 4-2020