© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

Je recherche des sensations

Richard Gaitet

Texte

 

Père,

J’ai voyagé trois ans pour oublier tout ce que j’avais appris par la tête. Cette désinstruction fut lente et difficile.

Pour vous je ne partais que trois semaines sur les routes du Québec, en été, avec des amis tapageurs. Je vous l’ai dit, nous avons ri. C’est là que j’ai appris à boire, ou plutôt à reboire. Trois litres de bière suffisaient à l’époque à provoquer chez moi une ivresse extraordinaire ; saupoudrez ça de deux schnaps et je m’asseyais pour papoter à toutes les tables des bistrots de Chicoutimi, avant de me réveiller tout habillé au pied du lit d’un inconnu. Rien de bien méchant.
Il y eut pourtant une nuit poisseuse où, titubant comme un crétin jusqu’à ma tente dans l’obscurité d’un parc forestier, j’ai marché sans le vouloir sur un nid de mouffettes. Ces bébêtes à poils longs m’aspergèrent copieusement d’un liquide jaunâtre issu de leurs glandes anales qui fait leur réputation. J’en avais sur les bras, les joues, les jambes, les cheveux.
Ces souleries primordiales, ces cuites touristiques de gentil garçon trop poli, j’en garde un souvenir physique assez fort. Le possible hébété d’une réalité plus intense, sans commune mesure avec l’avenir que me promettaient mes diplômes.

J’eus le temps d’y réfléchir. Pour dissiper l’odeur épouvantable jaillie du cul des sconses, on me conseilla un bain de tomates. L’un des gardiens du parc, qui se pinçait le nez en me suppliant de rester à distance, jura que c’était le remède le plus efficace, le plus populaire, qu’il existait des pommades aux effets similaires mais que le dimanche, les pharmacies étaient fermées ; si nous voulions continuer à partager en toute sérénité l’habitacle mentholé de notre Ford Taurus, mes comparses n’avaient d’autre choix que d’acheter en vrac quinze kilos de fruits bien mûrs que je n’aurais qu’à écraser dans un baquet de western, afin de m’y plonger, nu, au bord de l’un des affluents du Saint-Laurent, derrière le bloc sanitaire.

Tandis que mes compères brulaient au barbecue mes vêtements maculés d’horreur pestilentielle, j’étais donc immergé jusqu’au cou dans une purée de tomates fraiches, face au soleil. Comme je ne savais pas trop combien de temps il me fallait rester là-dedans, on m’apporta un parasol, des chips à la poutine et des bières glacées.
Vie de château. La Taurus fut garée près de mon baquet, pour profiter de l’autoradio, mais ce n’était pas la peine. Je réclamais silence et solitude.
Je me mis à observer le fleuve et ses grosses branches coincées en travers du courant, avant d’être époustouflé par la densité rugueuse du paysage, par ces monts et ces plateaux, les sapins, les pins blancs, par ces maisons modestes aux toits rouges.
Le contraste thermique entre la chaleur de ce mois de juillet et la fraicheur de ce bol de gaspacho géant me parut divin. Le jus, doux, pénétrait mes pores. Pédoncules et graines se mélangeaient à mes poils. Si j’avais faim, je n’avais qu’à me laisser couler dans le coulis.

Chose étonnante, au bout de quelques heures, sans bouger mais sans non plus m’assoupir, mes pensées n’avaient plus recours à la logique ; elles passaient d’une zone à l’autre de mon imagination, sans itinéraire, au hasard, inconséquentes, semblables aux mouches qui effleuraient mes oreilles et mes orteils. Incapable de me concentrer davantage qu’une poignée de secondes, immobile et pourtant remué d’une sorte de stupéfaction passionnée, je perdais le fil de tout raisonnement.
Cela ne m’inquiétait pas. Dès qu’un de mes camarades s’approchait pour voir où j’en étais, je levais la main d’un geste calme. Siddhârta pétrifié dans l’écarlate.
Malgré le ridicule achevé de la situation, ce bain végétal me fit un bien fou. Il agit sur moi, comme on dit en photographie, tel un révélateur. Le négatif de mon existence par trop sage et rangée m’apparut en pleine lumière, et cette évidence allait permettre mon développement.


*


Ma décision de ne pas rentrer vous préoccupa. Mes amis n’y crurent eux-mêmes qu’au moment où ils me virent monter dans un bus Greyhound miteux et cabossé, en direction de New York, au lieu de les suivre à l’aéroport.
Pendant le trajet, à un ex-taulard chicano qui venait d’être libéré et qui portait, signe du destin, le même prénom que moi tatoué sur son bras, j’essayai d’expliquer la révolution copernicienne en cours dans mon esprit, mais les mots me faisaient défaut, ce qui me plût énormément – d’ordinaire, j’étais plutôt celui qui terminait les phrases des autres, qui refusait d’«ajouter au malheur du monde» en ne sachant pas nommer les choses avec précision, selon la formule d’un philosophe que j’effaçai aussitôt de ma mémoire.

Tout au plus, je réussis à mimer à mon interlocuteur, à l’aide d’une croute de pain, d’un gobelet et d’une boite de concentré de tomates, mon modeste principe d’Archimède: tout corps plongé dans un liquide subit une poussée, fut-elle spirituelle. Ce bandit renifla mon verre, le but d’un trait et fit la grimace : ça manquait de tabasco. Il me traita d’abruti et valida de la sorte les prémisses de ma démarche.

Notre cousin diplomate, ce cher Guillaume, m’hébergea quelques semaines dans son appartement de fonction dont les fenêtres donnaient sur l’aile ouest de Central Park. Je sonnais chez lui un matin, mon sac matelot à l’épaule: il m’étouffa d’un hug, m’offrit du champagne et une montagne de pancakes, puis fila à l’ONU clarifier la position française vis-à-vis du régime syrien. Je le vis assez peu… ce fut une libération. Dans cette ville où je ne connaissais personne, je n’avais plus, enfin, à me montrer drôle ou éloquent. Je marchais seul, dans une sorte d’étourdissement, sans livre ni journal, sans crayon ni carnet. En vacances, oui, mais de moi-même.

Durant ces journées délicieuses, ce soulagement psychique s’accompagna, j’en reste assez surpris, d’une fringale colossale. Le cerveau sur pause, je cédais à tout ce que les delis, restaurants et snacks de Manhattan étalaient d’alléchant, n’ayant pour frein que le volume de mes économies, limitées.
Un après-midi, fêlé de fallafels et sans pitié pour les pitas, je m’explosai l’estomac à la libanaise, j’engloutissai deux crèmes glacées choco-coco aux éclats de cookies home made en regardant passer les joggeurs ruisselants, je traversai le Brooklyn Bridge avec une rose bonbon sculptée dans une mangue, je réclamai des ognons frits avec mon hot dog lors d’un concert hommage à un rappeur bestial décédé d’un cancer des glandes salivaires et j’étais désormais certain que le meilleur burger de Gotham se savourait sur les banquettes d’un long machin de bois planqué dans Grand Central Terminus, la gare ferroviaire, chez Junior.

Bien entendu, par excès de ribs caramélisés, de cheesecakes à la mûre et de siestes sous les ormes, je m’empâtais – souvent j’avais honte en tombant la chemise, à la piscine qui bordait le Harlem Meer, honte de ce bidon de Bouddha qu’était devenu mon ventre raplapla sous ces seins flasques qui commençaient à pendouiller ; on aurait pu me dire, en bonne complicité québécoise, que je «prenais de la sagesse». Mais n’écouter que mon appétit me transformait, bouchée après bouchée, en poussah poussif. Ce comportement ne pouvait pas durer.

J’en eus la preuve à Little Italy, en quête du plus raffiné – le mot est mal choisi, tant mieux – des cannolis siciliens. Au gré des rues, sous les drapeaux vert-blanc-rouge, je remarquai un ascenseur, comme ça, un bête ascenseur, tagué, défoncé, posé à même le trottoir et coincé entre deux cantines. À mon approche, je le jure, les portes s’ouvrirent. Dans la cabine se trouvait un paillasson marron, racorni, sur lequel j’eus le réflexe d’essuyer mes souliers et où l’on pouvait encore lire, malgré la crasse et les poils revêches: Looking for sensations. Le seul bouton qui fonctionnait était celui du deuxième étage. Allais-je me retrouver au cœur d’une réunion de mafiosos qui auraient tôt fait de réduire mes bourrelets à l’état de pastrami?
La carlingue toussota mais s’enclencha, grommelant une grosse minute. Rouillées, les portes se rouvrirent alors sur une toute petite dame chinoise d’environ quarante ans, assise sur une chaise en paille, entourée de papillons de porcelaine sous un dollar encadré. Elle me considéra un instant, puis m’emmena au bout d’un couloir tapissé de tentures mordorées, dans une pièce équipée d’un nécessaire de massage, où elle m’ordonna de me déshabiller dans une lumière tamisée. Même le slip?, avais-je demandé, gêné. Totally naked, avait-elle répété avec fermeté. Elle ne quitta pas la pièce. N’ajouta un mot. Ne cligna pas même des yeux. Elle restait là, à m’observer, en dépit de mes mimiques réclamant un minimum d’intimité. Dans ce spa de fortune aux stores baissés, déconnecté, je sentis que si je n’obtempérais pas, l’agacement ne tarderait point à poindre sur son beau visage las.

Un frisson me parcourut le cou, tout à poil que j’étais dans ce boudoir un peu toc où personne ne saurait me retrouver, face à une femme impassible qui m’arrivait à peu près au nombril – qu’elle tapota à trois reprises, pile à l’endroit de ma tache de naissance café au lait, de même que ma poitrine dodue, avant de dire à voix basse: Not good. Je levais un sourcil: Not good? Elle fit pour ainsi dire le tour du propriétaire, évaluant mes fesses, mes hanches, mes cuisses, mon dos, ma nuque, m’exhortant sèchement à redresser ma colonne vertébrale. Not good. Elle montra la table, me souffla de m’y étendre, puis lança dans la pièce une symphonie européenne qui s’écoula dès lors comme la source qui descend du glacier.
Remontèrent, Père, les souvenirs de nos promenades matinales avec Frederick et Oslo, le long du filet d’eau claire courant de tuyaux en tuyaux à l’ombre de la forêt de Chantemerle ; j’eus un instant le souci d’explorer cette nostalgie, de revoir votre sourire sous les mélèzes et les pas maladroits de mon frère sur ces sentiers couverts d’aiguilles, de réentendre votre voix, de sentir à nouveau la grosse langue affectueuse de notre molosse mollasson, mais la dame appliqua sur mes reins une serviette brulante.
Je fus tartiné d’huile de citronnelle, puis massé selon des principes de médecine traditionnelle – ceux du tui na, conçu semble-t-il pour équilibrer l’énergie vitale ou l’une de ses substances, que plus d’un septième de l’humanité nomme le qi.
Je fus empoigné et les notes bohémiennes dévalèrent le long de leur partition fluviale. En rythme, au diapason des circonvolutions de cette musique qui, je l’apprendrai plus tard, avait été composée par un sourd, la dame exécuta d’abord une sorte de relevé topographique de mes négligences et de mes douleurs, roulis de gestes vagues, puis visita mes méridiens et localisa des points de pression que je présumai critiques, car plus le tempo accélérait, plus la masseuse appuyait fort, fort, fort! Misère.

Cette femme-orchestre pinçait mes chairs comme les cordes d’un violon, pizzicato dans la bedaine à pizzas, de plus en plus vite, serrant ma nuque d’une main de fer à l’entrée des trompettes et des cors, pilonnant mon pauvre corps de ses petits poings pour en chasser le mal, en meute. Dehors comme à l’intérieur de mon cerveau, la nuit tombait.
Je laissai libre cours à mes fantaisies. Les musiciens paraissaient célébrer, non plus les merveilles de la nature, mais la perte d’une fillette écrasée contre les rochers d’une rivière, entrainée dans les rapides, en contrebas d’un mariage à la campagne – non, juste l’hypothèse de cet accident, puisqu’une féérie de flutes faisait naitre une atmosphère idyllique et les marraines de l’enfant la sauvaient des eaux. Le sommet de ma tête fut à ce moment pressé contre le ventre de la masseuse penchée au-dessus de moi. Je voulus entrer en elle, emménager dans ses entrailles. Mais elle s’aperçut que je prenais du plaisir à ses manipulations et me maltraita sans vergogne. Son index tendu, appuyé sur mon foie, faillit me transpercer. Elle crucifia de ses ongles mes omoplates et me donna la fessée. Malaxa mes feuilles de chou. Crut trouver dans ma cuisse une sale toxine, kyste possible, cellule bombée, qu’elle bastonna. Tira sur mes doigts de pieds comme pour les arracher. Lorsque la peau des tambours fit son entrée dans la vallée tchèque, la mienne hurlait.
Après deux heures, j’en fus exsangue. De l’occiput à mes muscles lombricaux, toutes les iles de mon anatomie – exceptions faites de mon sexe et de ma caverne secrète, étonnamment préservés – avaient été à la fois cajolées et meurtries, caressées et attaquées. En moi grondait une ville, bordée de castelets en ruines. J’étais défait, mais cette épreuve m’avait captivé. J’avais maintenant conscience, comme jamais, de mon véhicule corporel. Je n’étais plus que perceptions, visions.
J’avais troqué le QI pour le qi.
C’est dans cet état d’ouverture maximale, hagard et rhabillé, avachi sur un sofa épuisé, que Mélanie Wong, devant son thé, me proposa de devenir son assistant.


*


Je n’entrerai pas dans les détails de son enseignement. Je peux dire que je recevais un salaire correct pour gérer les basses besognes du salon, fréquenté par une clientèle huppée, des branchés de Bushwick, des bourgeoises de Long Island, attirés par la clandestinité de l’endroit, qui fonctionnait sans réservation, sans publicité, grâce au bouche-à-oreille en partie provoqué par le charisme mystérieux de son hôtesse. Originaire de Mandchourie, Mélanie travaillait jusqu’alors seule, sempiternellement seule, et je ne saisis toujours pas les raisons pour lesquelles elle m’avait choisi, moi, pour plier les serviettes, jeter les slips usagés, veiller sur le stock d’huile, nettoyer le spa et tenir la caisse, à condition de ne pas dire un mot. Aussi bruyant qu’une pierre, je regardais défiler de treize heures à vingt heures les clients qui, au fil des mois, m’avaient tout à fait intégré au décor.

(Si vous avez du temps à perdre, vous trouverez, en cherchant bien, parmi des dizaines d’articles en ligne sur le «Spa magique de Madame Wong», mention d’un certain «silent boy», qui alimentait les discussions – il s’agissait de savoir si j’étais Danois, Québécois ou Sud-Africain. Une chroniqueuse mondaine avait écrit que j’étais muet. «Et complètement demeuré.» Parfait.)


Afin de régler mon problème de surpoids, Mélanie m’initia aux nourritures terrestres, d’origine végétale et non transformées par la cuisson, aux graines germées, aux fruits frais, aux salades composées.
Le premier jour, elle me tendit un jus d’herbe (mais de quelle herbe ? sa réponse fut incompréhensible) au goût de réglisse gras, qui me fit immédiatement vomir. Elle en buvait un demi-litre chaque matin. Ce breuvage lui «transférait l’énergie du soleil, oxygénait ses cellules, purifiait son foie et favorisait l’élimination des toxines», d’après ce que j’avais retenu d’une série de leçons diététiques qu’elle articulait sans sourire dans un anglais rudimentaire.
Nous déjeunions ensemble cinq jours sur sept, très souvent dans un parc ombragé de Chinatown, près de la statue du révolutionnaire Sun Yat-sen sous l’autorité duquel des vieux, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, jouaient aux cartes ou au mah-jong. Je découvrais qu’on pouvait ne pas mourir de faim ni même tourner de l’œil en se nourrissant de sauge, de soja, de cresson, de quinoa, de carottes, de concombres, de tomates ou de pois chiches, de petits haricots rouges azukis à bien mâcher, relevés d’ail, de thym, de basilic ou de moutarde, soutenus de soupes et de biscottes déshydratées, mais aussi de bananes, de figues et d’abricots secs, en muesli avec des céréales, du yaourt ou du fromage blanc.

Voilà en gros – non, en mince – ce que j’avais dans mon assiette. En un mois, je perdis huit kilos, puis six autres, puis trois encore à l’arrivée de l’automne. Je me mis au yoga et pratiquais trois fois par semaine des exercices de stretching suédois, en compulsant le manuel du docteur Sven A. Sölveborn qui fut le seul livre que j’ouvris cette année-là.
Sur le plan liquide, l’eau minérale en bouteille de verre et les jus de litchi, de bissap ou de coco, sans sucres ajoutés, avaient remplacé les milkshakes, les sodas et la bière, qui ne retrouvaient la voie de mon gosier que le dimanche, quand mon cousin ne supportait plus… que je sois devenu si chiant.
En sortant de chez lui, je rejoignais Mélanie tête basse, qui me prodiguait gratis ses concertos pour dermes, testant sur moi des techniques de massage maliennes ou balinaises.


Cette routine finit par me peser. Mon moral se ternit. Mes sept heures de silence professionnel me rendaient triste, et cela sans gravité romantique ; triste comme une galette de blettes, aussi amorphe qu’un plat de lentilles. Dans le cercle ultra-limité de mes connaissances new-yorkaises, je ne riais guère. En sus, mes livres me manquaient.

Je décidai donc de m’abandonner aux intrigues des autres, à devenir un personnage.

À la piscine, ma plastique honorable me valut, en parlant peu, de nombreuses rencontres, suivies de brèves aventures en simultané avec une masseuse manchote, une minuscule danseuse de quadrille sexagénaire, une authentique chamane allemande hypersensible aux ondes électromagnétiques, un très bel acteur porno prénommé Ruby orné d’un stetson tatoué sur le pelvis, des jumelles nigérianes propriétaires d’un bar à whiskys, une mime, une exigeante dominatrice sadomasochiste de vingt et un ans et une Roumaine voluptueuse qui tenta sans succès de me transmettre les bases de «l’urinothérapie» en ne buvant pas que du thé au petit-déjeuner. À celles-ci, à celui-là, j’ajoute, à part, une acuponctrice frappée d’un cancer incurable dont j’accompagnai, à sa demande, les dernières semaines, dans une joie obscure mouillée de larmes.


Si vous n’étiez pas si pudique, mon bon-Papa, je vous raconterais en détail toutes les découvertes sensationnelles que j’ai expérimentées, égaré parmi tant de coucheries, de caresses et de baisers, mais soyez sûr que cette vie-là vaut d’être vécue.

Désormais accroc à l’intense, suspendu aux épiphanies de mes terminaisons nerveuses, je me mis en quête d’autres manières de lâcher-prise avec l’intellect. Cette prise de conscience, toute à la fois riante et ahurie, se concrétisa devant un cinéma de Soho qui rediffusait Bird. Le réalisateur, Clint Eastwood, avait été jadis le maire éphémère d’un bourg de la côte ouest, Carmel-by-the-Sea, sur les hauteurs duquel vivaient… bon sang, mais c’est bien sûr !

Mélanie Wong ne prit pas ombrage de ma démission et téléphona à l’une de ses nièces, Tiffany Wang, qui tenait un salon de massage à Carmel, pour lui ordonner de m’embaucher sur-le-champ. Nous nous serrâmes longtemps dans les bras et je pris le train le soir même.


La suite ce sera pour plus tard, Papa. Je pense très peu à vous, mais le cœur y est.

A.


© Richard Gaitet, revue Papier Machine n° 11- 1er trim. 2021



Metadata

Auteurs
Richard Gaitet
Sujet
Lettre au père. Road trip au Québec et à New York. Chemin de dés-apprentissage et d'apprentissages
Genre
Autofiction
Langue
Français
Relation
Revue Papier Machine n° 11- 1er trim. 2021
Droits
© Richard Gaitet, revue Papier Machine n° 11- 1er trim. 2021