Être juré du Prix Goncourt. Une responsabilité devant l’Histoire
Pierre Assouline, François-Xavier Lavenne
Texte
François-Xavier Lavenne – Avant de devenir journaliste, homme de Lettres et membre du jury du plus prestigieux des prix littéraires, vous intéressiez-vous aux prix? Jouaient-ils un rôle dans vos choix de lecteur?
Pierre Assouline – Oui, ça m’intéressait parce que l’histoire littéraire m’intéresse et, notamment, depuis que j’avais écrit la biographie de Gaston Gallimard – donc, ça fait trente-cinq ans à peu près. Pour cette biographie, j’avais fait beaucoup de recherches d’histoire littéraire et les prix y avaient leur importance. Mon intérêt s’est manifesté à partir de là d’une manière systématique et historique alors que, jusque-là, je m’y intéressais comme n’importe quel lecteur et amateur de littérature.
En un peu plus d’un siècle, les prix ont acquis une grande place dans la vie et l’histoire littéraires. Quelle vision avez-vous de leur évolution et de leur rôle?
Il n’y a pas réellement d’évolution des prix classiques parce que leur importance, leur statut, leur impact ont tout de suite été énormes sur le plan intellectuel et commercial. Cela n’a pas changé. Ce qui a évolué, c’est qu’il y a eu de plus en plus de prix qui sont venus s’ajouter à ceux de l’automne.
En France, il y a deux mille prix littéraires, il ne faut pas l’oublier. Il n’y a pas une ville qui n’ait pas son prix littéraire, pas un salon du livre qui n’en ait pas! En plus, il y a des prix littéraires décernés par des médias, comme France Inter, RTL, France Télévision, le magazine Elle…
C’est aussi le cas du Soir à Bruxelles avec le Prix Rossel. Ces prix de médias ont pris beaucoup d’importance parce que le jury est différent et parce que leur récompense est un soutien médiatique qui a un impact sur le public. Ces prix se sont imposés à côté des prix classiques. Il y a donc eu une diversification et une multiplication formidable des prix.
Pour parler des quatre grands prix, les choses n’ont pas beaucoup changé. Je ne peux parler que du Goncourt, mais les autres ont très peu évolué.
Si l’on parle du Goncourt, on remarque que l’Académie Goncourt s’est féminisée – et encore, ce n’est que trois femmes sur dix.
Avant, il n’y en avait pas ou seulement la présidente, Colette. Il y a eu aussi Françoise Mallet-Joris, Edmonde Charles-Roux… Ce n’était pas beaucoup!
Outre la féminisation, il y a eu le souci d’assurer l’indépendance du prix. Il faut dire que, jamais dans son histoire, le Goncourt n’a été aussi indépendant. Il y a quelques années, sept ou huit ans, le règlement a été réformé sous l’impulsion de Bernard Pivot, qui n’était pas président à l’époque, d’Edmonde Charles-Roux et de Françoise Chandernagor, notamment.
Ce changement implique que, quand un membre du jury atteint quatre-vingts ans, il est automatiquement admis à l’honorariat. Il ne peut donc plus voter, ce qui est une bonne chose.
En outre, il est interdit d’avoir un poste salarié dans une maison d’édition et cela, c’est une révolution, parce qu’il y a eu beaucoup d’abus par le passé à cause de cette situation.
Le Prix Goncourt est un prix qui a une histoire et un rituel inscrits dans l’imaginaire collectif. Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre entrée dans l’Académie et de votre première délibération chez Drouant?
C’est particulier parce que les nouveaux jurés sont impressionnés par le lieu, par le prestige… C’est nouveau pour eux.
Or, moi, qui suis journaliste littéraire depuis trente ans, je vais chez Drouant pour la remise du prix depuis très longtemps. Évidemment, je n’assistais pas à la délibération, mais j’étais là, chaque année, avec tous les autres journalistes pour avoir des informations, donc j’étais familier de l’endroit et c’était moins impressionnant pour moi sur ce plan-là.
Ce qui m’a frappé lorsque j’ai été élu, c’est l’extraordinaire compagnonnage entre les Dix, le sens de l’amitié, la rigolade, le côté bon vivant. C’est important, cette vie de l’Académie. Dès que je suis arrivé, Bernard Pivot m’a dit: «La règle ici, c’est que tout le monde se tutoie!» J’avais voussoyé avec Bernard Pivot durant trente ans quand nous travaillions ensemble. Cet esprit de franche camaraderie est très agréable.
L’autre chose qui m’a surpris est que j’avais toujours entendu dire que les prix étaient attribués des mois à l’avance à travers des combinaisons d’éditeurs…
Ça a pu être vrai par le passé, bien sûr, mais depuis que j’y suis – et ça va faire ma sixième année – je peux certifier que ce n’est absolument pas le cas.
Déjà, il n’y a pas d’accord entre nous. Nous avons des sensibilités, des opinions, des goûts très, très différents. Cette année encore, et même l’année précédente, on s’est engueulés! On s’engueule très amicalement, mais aussi très fermement, avec passion, sur des livres, sur des auteurs.
Chaque fois que j’ai participé à une délibération, donc depuis six ans, le nom du lauréat s’est décidé cinq minutes avant qu’il ne soit proclamé publiquement! C’est toujours sur le fil, à une voix souvent!
Ces histoires de Goncourts attribués à l’avance, même avant l’été, toutes ces légendes, c’est du bla-bla. Je peux témoigner que la lutte se fait jusqu’à la dernière seconde et qu’elle est sanglante!
La troisième chose qui m’a frappé, c’est le travail. Être membre du jury du Goncourt est une activité bénévole, mais ça prend beaucoup de temps. On ne s’y consacre pas seulement tout l’été, mais toute l’année parce qu’on remet cinq prix, qu’on parraine les Goncourt étrangers, qu’on se réunit tous les mois, qu’on est invités en groupe dans beaucoup de salons, de festivals pour défendre des causes… Je ne dirais pas que c’est un full time job, mais c’est un vrai travail qui prend beaucoup de temps et qui est passionnant.
Comment s’organise le travail pour faire la présélection? Tout le monde lit-il les mêmes livres?
C’est très simple: on reçoit tous les livres, chacun lit ce qu’il veut et on s’écrit pendant l’été, parce que l’été est le seul moment de l’année où on ne déjeune pas ensemble à cause des vacances. Donc on s’écrit régulièrement, tout au long de l’été, pour se dire ce que l’on pense de tel ou tel livre. Au moment où je vous parle (ndlr: août 2018), je viens à nouveau de lire le plus grand nombre possible de livres de la rentrée littéraire et les neuf autres membres de l’Académie ont fait de même. Il y a des livres qu’on lit tous et d’autres que personne ne lit. Quand nous nous retrouverons en septembre, tout le terrain sera bien déblayé grâce à ces échanges.
Le Prix Goncourt est un prix qui a une histoire. Cela implique-t-il une responsabilité particulière? Est-ce que vous ressentez le poids de ce devoir de laisser un palmarès qui va résister au temps et qui doit, en quelque sorte, écrire l’histoire de la littérature d’aujourd’hui?
Oui, tout à fait. Il y a pour les jurés la conscience d’une responsabilité particulière.
Avant de parler de l’histoire, il faut avoir à l’esprit, quand on est dans le jury du Goncourt, que beaucoup de gens qui achètent un livre par an achètent le Goncourt, et que beaucoup de gens qui offrent un livre par an pour Noël choisissent le Goncourt.
On ne peut donc pas leur recommander n’importe quoi. Donc, il y a une vraie responsabilité vis-à-vis du public et des libraires.
Ensuite, il y a un autre niveau de responsabilité qui est la responsabilité devant l’Histoire.
En tant que membre de l’Académie Goncourt, on s’inscrit dans une continuité, on est les héritiers d’une histoire qu’on le veuille ou non. Dans cette histoire, il y a bien sûr des choses dont on est fiers et d’autres dont on est moins fiers, mais il faut assumer l’ensemble. Chacun a la conscience de s’inscrire dans cette lignée, d’être responsable par rapport à ce passé et par rapport au futur. On sait que nos choix seront regardés, jugés, critiqués, décortiqués avec le recul, comme on le fait aujourd’hui pour les anciens Prix Goncourt.
Justement, l’histoire du Prix Goncourt est très mouvementée. Il y a eu beaucoup de polémiques et parmi celles-ci figure le Goncourt manqué par Voyage au bout de la nuit.
En tant que spécialiste de Céline, quel regard jetez-vous sur cet épisode? Est-ce que vous en avez une lecture différente maintenant que vous connaissez le fonctionnement de l’Académie Goncourt?
Je suis fier d’être au fauteuil et au couvert de Lucien Descaves qui est l’un de ceux qui avaient soutenu Voyage au bout de la nuit et qui avaient aussi soutenu Proust.
Pour Céline, ça ne s’est pas fait pour les raisons qu’on sait. Tout cela a été raconté largement et est très bien documenté. C’est certain que l’on ne peut s’empêcher de penser à ce genre d’épisode, mais c’est très difficile de lire un livre et de se dire: «ce livre sera le futur prix ou une erreur historique ».
Pour dire cela, il faut être très sûr de soi. Vous savez, des chefs-d’œuvre comme le Voyage, il n’y en a pas chaque année. C’est exceptionnel. Donc, on réfléchit bien avant de prendre le risque de dire: «on rate le nouveau Voyage au bout de la nuit ». Celui qui dit cela a intérêt à avoir des arguments solides!
Mais c’est sûr que le souvenir de ce moment pèse sur les épaules. Personne dans le jury n’a envie de rater un grand livre. Il y a des rentrées où il n’y a pas de grands livres. Il y a de bons livres – il y a toujours de bons livres. La rentrée médiocre, je n’y crois pas. Il y a des rentrées plus ou moins bonnes, mais il y a toujours de bons livres ; des grands livres, c’est exceptionnel.
Parmi les six Prix Goncourt auxquels vous avez participé, y en a-t-il un dont vous êtes particulièrement fier, un qui pourrait, à votre avis, entrer dans cette catégorie des «grands» livres?
J’ai eu la chance d’avoir des livres que j’ai soutenus qui ont été primés, par exemple Boussole de Matthias Énard ou Au revoir là-haut de Pierre Lemaître. Ce sont des Prix Goncourt dont je suis particulièrement fier. Il y en a d’autres évidemment ; cela ne fait encore que six ans, mais ce sont déjà de grands moments.
Parmi les histoires qui entourent le prix, il y a celle, tragique, de Jean Carrière. Le Prix qui lui a été décerné fut synonyme d’une descente aux enfers qu’il a racontée dans un livre, Le prix d’un Goncourt. Est-ce que le souvenir de cet épisode pèse encore sur le jury? Comment voyez-vous l’après-prix, qui est un moment qui peut être dangereux pour un écrivain?
Si on doit décerner le prix à un jeune auteur parce qu’on a été emballés par son premier roman, on y réfléchit certainement à deux fois. Il faut vous dire qu’un Goncourt, c’est écrasant et qu’un Goncourt à vingt-cinq ans pour un premier roman, ça peut tuer un auteur.
C’est un peu le cas de Jean Carrière. On peut ne pas s’en sortir, surtout si le livre couronné a un succès énorme, comme ce fut le cas de L’épervier de Maheux.
Cela peut avoir des conséquences dramatiques si on n’y est pas préparé. C’est pour cela que certains n’aiment pas couronner les premiers romans. Je ne partage pas ce point de vue parce que passer à côté d’un grand livre pour cette raison serait dommage, mais c’est une responsabilité dont nous devons avoir conscience.
Nous fêtons cette année les 80 ans d’un prix triplement exceptionnel, celui qui a été attribué au Belge Charles Plisnier en 1937.
Pour la seule fois de l’histoire du Prix, le Goncourt était en effet décerné à deux ouvrages, dont l’un était paru l’année précédente.
Pour la première fois, un recueil de nouvelles, Faux passeports, était couronné.
Et, enfin, c’était le premier prix donné à un écrivain non français après un an de polémiques autour de la nationalité des lauréats du Goncourt. Que représente aujourd’hui cet épisode pour l’Académie? Marque-t-il le début d’une ouverture à la francophonie?
C’est clairement un moment important dans l’histoire du prix. Très surprenant aussi. Mais ce n’est pas un moment très connu. Les moments charnières sont les moments de scandale (comme le refus de Julien Gracq, le double prix de Romain Gary), les moments de gloire (comme le prix de Proust) ou encore les ratages (comme Voyage au bout de la nuit). Les gens qui s’intéressent à l’histoire du Prix Goncourt ont surtout retenu cela et moins l’affaire Plisnier. C’est pour ça que votre article [NDLR: v. aussi article de F.-X. L. dans Revues be] est intéressant parce qu’il est très détaillé sur cette affaire que les Français connaissent trop peu, y compris les critiques littéraires, les journalistes culturels. C’est important de faire connaître cet épisode.
En 1936, la presse raconte que Charles Plisnier a été écarté au dernier moment parce qu’il était belge. Certains membres du jury auraient considéré que, selon le règlement, le prix devait être réservé aux seuls écrivains de nationalité française ; pour d’autres, rien ne s’opposait à couronner des écrivains belges, suisses ou canadiens. Une vive discussion aurait éclaté au sein de l’Académie Goncourt à ce sujet. Que dit exactement le règlement du Goncourt?
Y avait-il un article allant en ce sens à cette époque?
Je ne comprends pas ce qui a été raconté à l’époque.
Le règlement, tout le monde le connaît. Les statuts sont déposés. Tout est très clair juridiquement.
La seule chose qui importe, pour nous, est qu’il s’agisse d’un texte d’imagination en prose rédigé en français. Point. La nationalité ne compte absolument pas.
Cela dit, il y a eu assez peu de cas où un non-Français était en lice dans la dernière ligne droite et cela posait un problème.
Je pense que si aujourd’hui la question se posait, on s’attacherait uniquement au fait qu’il écrive en français, quelle que soit sa carte d’identité.
Mais, en même temps, encore faudrait-il que la question se pose.
Moi, j’encourage les éditeurs suisses et belges à envoyer leurs livres aux jurés, même si c’est publié en Belgique ou en Suisse.
Le lieu d’édition, la nationalité ne sont pas des problèmes. Ce qui compte, c’est le texte, uniquement la qualité du texte.
Plus que jamais, et cela a toujours été le cas, ce n’est ni véritablement l’auteur ni encore moins l’éditeur qui comptent, mais avant tout le livre.
On couronne un livre et ce livre doit être écrit directement en français. Il n’y a aucune autre règle.
Prenez le cas du livre de Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête: il est paru pour la première fois en Algérie et son auteur est algérien. Or, il était finaliste du Goncourt ; il a failli l’avoir ; il était en lice dans la dernière ligne droite et il a eu le Goncourt du premier roman.
Tahar Ben Jelloun est marocain et il a eu le prix.
Donc, on voit que le problème n’existe pas.
Un Belge peut sans le moindre problème avoir le Goncourt [ ndlr: à ce jour, quatre écrivains belges ont eu le Goncourt: Charles Plisnier, Francis Walder, Félicien Marceau, François Weyergans ].
Ces dernières décennies ont été marquées par une volonté d’internationalisation du prix grâce aux Goncourt étrangers. Comment s’est passé ce développement et quel bilan en tirez-vous?
Ce mouvement n’est pas parti de l’Académie Goncourt, mais de Pologne.
Il y a 21 ou 22 ans, des universités qui enseignent la littérature française en Pologne se sont réunies et nous ont dit qu’elles aimeraient faire voter leurs étudiants à partir de notre première liste et elles nous ont demandé de parrainer leur initiative.
Évidemment, l’Académie Goncourt a donné son autorisation et, pour la petite histoire, c’est moi qui ai inauguré ces Goncourt étrangers avec mon premier roman, La Cliente.
J’inaugurais ça sans savoir qu’un jour je serais dans le jury et que les Goncourt étrangers allaient à ce point se développer.
La manière dont cela s’est organisé en Pologne a fait école.
Chaque fois, ce sont des étudiants des universités qui votent à partir des romans des premières listes.
Ils sont entièrement libres.
Nous les parrainons et nous venons pour la remise des prix.
Tout est organisé par l’Institut français et l’ambassade de France, et la remise du prix se fait à l’ambassade de France.
C’est important pour le rayonnement de la culture française.
Aujourd’hui, il y a douze prix, mais ce n’est pas nous qui allons démarcher les pays qui se joignent au mouvement – même si je ne vous cache pas que j’ai favorisé certaines vocations. Je m’occupe beaucoup de ces Goncourt étrangers et j’ai suggéré à certains pays d’être candidats. Normalement, on ne demande rien, on attend les candidatures et on les accompagne, mais je me suis permis avec les Belges, avec les Suisses, avec les Espagnols, des pays et des peuples chers à mon cœur, de les encourager chaleureusement à se lancer dans l’aventure, de leur dire qu’ils seraient très bien reçus s’ils en faisaient la demande.
En Belgique, ce Prix Goncourt est, à ma connaissance, l’une des seules occasions lors de laquelle des jeunes gens de tout le pays, néerlandophones comme francophones, se réunissent pour discuter et échanger. J’ai pu constater un très grand engouement chez les étudiants néerlandophones, notamment de l’Université de Gand.
C’est formidable!
Dans des pays comme la Suisse et la Belgique, je leur ai dit: «Attention! Ce n’est pas un prix francophone! Il faut que les livres soient écrits en français, mais le prix doit concerner tout le pays, pas seulement la moitié du pays, pas que la Suisse romande, pas que la Wallonie ».
Évidemment, ils étaient tous d’accord pour cette organisation.
L’esprit, c’est de réunir, de réunir des jeunes gens autour des livres, grâce aux livres.
Le fait qu’il y ait dans certains de ces jurys des étudiants dont le français n’est pas la langue maternelle apporte-t-il une sensibilité différente?
Peut-être, mais, vous savez, on se trompe toujours. On ne fait pas de pronostic parce qu’on est toujours très surpris des choix de chaque pays.
Ce sont des jeunes, alors on se dit: «C’est trop compliqué, c’est trop long, ils n’aimeront jamais tel livre! ».
Et puis, pas du tout, c’est pour lui qu’ils votent! On ne peut pas prévoir pourquoi.
Même avec le Goncourt des lycéens en France, on se trompe quand on essaie de prévoir le livre qui devrait leur plaire. On prête aux jeunes, en France et à l’étranger, des préjugés, des goûts, des idées qui ne sont pas les leurs. Il faut leur faire confiance.
L’Académie Goncourt s’est ouverte progressivement à d’autres genres que le roman en créant des prix spécifiques pour la poésie, la biographie, la nouvelle. Comment s’est faite cette diversification et comment ces prix sont-ils organisés?
Ils sont organisés comme le Goncourt du roman. La seule différence est pour la présélection.
Pour chaque prix, il y a un membre de l’Académie chargé de la présélection.
Moi, je suis chargé de la présélection de la biographie ; Philippe Claudel, de celle des premiers romans ; Didier Decoin, de la nouvelle ; Tahar Ben Jelloun, de la poésie. Comme on ne peut malheureusement pas lire tout ce qui paraît, il faut bien qu’il y ait l’un d’entre nous qui déblaie le terrain.
On se répartit les domaines en fonction de nos goûts, de ce qu’on connaît le mieux, puis tout le monde vote.
Ces prix ont-ils mis du temps à s’imposer auprès du public? Quel est leur écho médiatique?
Il a fallu un certain temps. Aujourd’hui, le Goncourt du premier roman est bien installé. Il a une grande importance.
Les autres sont moins décisifs.
La nouvelle est un genre mal-aimé dans le domaine francophone, contrairement à ce qui se passe dans le monde anglophone.
Est-ce que le Goncourt qui lui est consacré peut contribuer à changer la perception de ce genre d'ouvrages, et à le faire mieux connaître du grand public?
Un petit peu… Ce serait bien d’y parvenir, mais il ne faut pas se faire d’illusions: en France, on n’aime pas la nouvelle! Je ne sais pas pourquoi... Il n’y a pas de journaux qui la soutiennent. Quand un éditeur met «nouvelles» sur une couverture, il sait qu’il n’en vendra pas! Il publie le livre pour faire plaisir à l’auteur. C’est vraiment inexplicable.
Comment réussissez-vous à continuer votre propre activité d’écriture avec ce marathon de lectures qu’exige le Goncourt?
J’essaie… Je ne peux pas écrire pendant l’été parce que je lis un ou deux livres par jour. Je travaille pour moi aussi, mais je n’écris pas de livre. Je prépare un livre, j’y réfléchis, en sachant que je l’écrirai après le Goncourt.
Pouvez-vous déjà nous parler de ce livre?
Ce sera un roman autour des relations père-fils et de la culpabilité. C’est tout ce que je peux en dire pour le moment…
© François-Xavier Lavenne, PIerre Assouline, revue Francophonie vivante n° 2-2018, Bruxelles