© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

Sur le tournage de "La Trêve 2"

David Hainaut

Texte

Exemplaire, à plus d'un titre

Vu le tournant qu'elle a (déjà) marqué dans l'histoire de la fiction belge francophone, la simple évocation du désormais célèbre titre de la série lancée par le Fonds Fédération Wallonie-Bruxelles/RTBF, fait largement écho. Et si, personne ou presque, n'avait pu imaginer l'ampleur prise par cette production issue des Bruxellois d'Hélicotronc (succès critique et public, belge et international), l'existence d'une seconde saison relevait d'un fantasme : cette dernière est pourtant bien en tournage afin d'être prête pour le début de l'année prochaine. Voilà qui méritait bien un détour sur le plateau, pour continuer de saisir son exemplarité. À plus d'un titre.

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30% de budget supplémentaire

Lessines, août 2017. Pause inédite, mais bienvenue pour la soixantaine de membres de l'équipe de La Trêve – à 80% la même que celle de la saison 1 -, au milieu des quatre-vingt jours de tournage prévus pour cette deuxième saison. "C'est dix jours en plus que pour la première", précise Anthony Rey, le producteur d'Hélicotronc, "Après l'expérience de la saison 1 où, dans le rush initial, nous n'avons jamais pu nous arrêter, nous pensions qu'une coupure ferait du bien à tout le monde. Car quatre mois de tournage, c'est long !" Un petit "luxe" envisagé grâce aussi, aux 60% de budget supplémentaire (2,5 à 4,3 millions d'euros) arrivés sur la table. Petit, car avec désormais un trio de personnages - au lieu d'un - au centre de la nouvelle intrigue, imaginée par Stéphane Bergmans, Matthieu Donck et Benjamin d'Aoust, les trois auteurs-réalisateurs à l'origine du projet, le nombre de scènes à tourner a considérablement augmenté. Et équivaut au final à un rythme de travail... au moins aussi élevé !

Les Ardennes, toujours

L'histoire, justement. Si, vu les attentes désormais plus grandes autour de la série, la production a souhaité se montrer plus discrète, jusqu'à parfois réduire l'accès au plateau, on sait qu'elle se situera toujours dans les Ardennes, à Musso, un fief aussi imaginaire qu'Heiderfeld l'a été dans la première saison.
Le synopsis évoque le destin de Dany Bastin, un homme de 27 ans qui, à peine sorti de prison, se retrouve accusé du meurtre d'une bourgeoise – retrouvée dans sa piscine – chez laquelle il travaillait comme jardinier.
" Comme Ennemi Public, qui entamera à l'automne sa deuxième saison, c'est la première fois, chez nous, qu'on repart sur une suite feuilletonnante de cette envergure.
Mais Stéphane, Matthieu et Benjamin avaient plusieurs idées : se replonger dans le passé ou imaginer tout à fait autre chose.
Au final, autour de l'Inspecteur Yoann Peeters (toujours campé par Yohann Blanc), on a une histoire qui se déroule quelques années plus tard. ”


De l'importance des décor(ateur)s

La réussite d'une série se bâtit à tous les étages. Et notamment dans la fabrication de décors multifonctionnels. Comme dans la saison 1, où un hôpital désaffecté (à Sainte-Ode, en province de Luxembourg) a permis de centraliser différents lieux du pitch et regrouper plusieurs scènes, le Château fraîchement abandonné d'Ollignies  – notre lieu de passage – a permis de reconstituer entre autres un bureau, un commissariat et une prison.
Un travail coordonné par Catherine Cosme, l'une des spécialistes les mieux cotées du genre chez nous.
Et qui, dans sa solide équipe, emploie un nouvel élément, qui n'est autre qu'un réfugié syrien de 29 ans. Ancien confrère ayant dû fuir le régime de Bachar el-Assad, ce diplômé en droit a fait ses premières gammes belges cette année sur un long-métrage (Kursk de Thomas Vinterberg) et sur plusieurs courts, à destination du récent Festival de Cannes.
Amar, c'est son nom, a bien voulu nous expliquer, dans un français déjà correct, les raisons de sa présence sur ce tournage, aux côtés de ses collègues Valentine Buyse, Jules Boutefeux, Benoit Febrinon et Benjamin Otoz, résultant du parcours classique d'un migrant.
" Il y a cinq ans, mon village a été détruit et des gens sont morts autour de moi. Je suis donc un survivant. J'ai dû fuir par la mer, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Hongrie, la France et l'Allemagne, avant de rester onze mois dans un camp. J'ai conscience de la chance que m'offre Catherine Cosme sur cette Trêve, où je me sens heureux ".
" Mais s'il se trouve ici, complète celle dont l'initiative est à saluer, au-delà d'un soutien naturel, c'est d'abord parce qu'il travaille bien ! "


Quatre séries belges par an ? Bientôt !

En attendant, en plus de trois autres lieux centraux (avec le Campus du Ceria à Anderlecht, une propriété privée à Couvin et la forêt de Marche-en-Famenne), ces 10 nouveaux épisodes de 52 min seront tournés jusqu'à la mi-octobre.
" Nous sommes dans les temps, mais nous n'avons pas droit au moindre retard, car tout est tellement planifié avec les comédiens et les décors, que si on enlève un jour, tout tombe par terre ! "
Quant à savoir si, sur le terrain, cette Trêve suscite bel et bien plus de curiosité, Anthony répond :
" Clairement, et on le constate via les repérages et sur le tournage : les gens connaissent le projet, on ressent même une fierté. C'est plaisant, même si ça met un peu de pression, mais on va tout faire pour ne pas décevoir. Voire faire mieux ! ", ajoute Anthony Rey, à la tête  – avec sa comparse Julie Esparbes  – d'une structure n'employant que... trois collaborateurs, concède que La Trêve, vendue dans une quarantaine de pays, a fait du bien :
" Nous existons depuis 15 ans à travers surtout des films d'auteur qui sont parfois difficiles à financer : La Trêve nous permet, une fois n'est pas coutume (sourire), d'équilibrer un peu la balance. Dans ce paysage qui change, où la Belgique francophone devrait bien arriver à quatre séries belges par an en 2018, notre boîte se trouve dans une phase de réflexion : trouver l'équilibre, en gardant notre identité familiale et découvreuse de talents. Car je n'ai pas envie de me retrouver à la tête d'une grosse société. "
Entre courts-métrages, documentaires, coproductions et une autre série ertébéenne à l'état de gestation (du tandem Xavier Serron-Méryl Fortunat-Rossi), Hélicotronc s'attèle en parallèle à la sortie de nouveaux longs-métrages belges : ceux de Martine Doyen (Komma), Vania Leturcq (L'année prochaine) et du néophyte Serge Mizabekiantz.
Nous en reparlerons !

 

© David Hainaut, 2017

Metadata

Auteurs
David Hainaut
Sujet
tournage la série télé "La Trêve" saison 2
Genre
Chronique cinéma
Langue
Français
Relation
Webzine Cinergie octobre 2017, n° 230
Droits
© David Hainaut, 2017